Après avoir reçu les clés de sa chambre de troisième année, avec, oh bonheur, une salle de bains pour elle toute seule, Beth retraversait le parc vers le bâtiment de l'internat où ses valises l'attendait, cachées sous l'escalier du rez-de-chaussée. Mais comme souvent, pendant qu'elle marchait, ses pensées s'évadèrent de leur axe qui devait la mener sans problème au bâtiment Napoli, et au lieu de ça, ses pas commencèrent à s'égarer dans le parc de l'école Botticelli, ce lieu si hors du temps et de l'espace dans lequel son art prenait tout son ampleur.
Fermant les yeux à demi et se laissant porter par la brise qui soufflait et agiter ses cheveux et sa robe, elle écartait les bras en croix et tournait sur elle-même de temps à autres, sentant quelques brins d'herbes chatouiller ses chevilles nues. Cette sensation de communion, d'osmose avec la nature, avec l'univers, elle ne pouvait l'avoir qu'ici, bercée par le chant des oiseaux et cette atmosphère si particulière de l'Italie, décuplée dans les enceintes de l'école, qui même si elles enfermaient l'école la libérait par cette protection de l'extérieur. Gambadant et sautillant comme une enfant, elle arriva sans la moindre idée de son moyen vers une statut à la beauté effarante, reproduction fidèle d'une oeuvre de la Renaissance. Le blancheur de sa pierre avait été maculée par le temps, et quelques herbes folles poussaient à ses côtés. Attendrie par ce tableau, Bee entendit résonner des notes d'un timbre chaud, jouant des airs jazzy comme elle les aimait.
Pivotant vers l'endroit d'où provenait le son, elle reconnut immédiatement Robbie, le super canon de l'école, musicien accompli et compositeur de talent. Il était en quatrième année et elle avait eu plusieurs fois l'occasion de lui parler grâce à Enzo qui était un ami commun. Et chaque fois, après leur discussion, Enzo lui donnait un coup de coude en lui rappelant la façon idiote qu'elle avait eu de rester bouche-bée devant Robbie. Bien sûr, c'était faux...
Hésitant entre l'interrompre ou rester à l'écouter, elle ne choisit aucune des deux solutions et s'approcha de l'arbre où il était adossé, s'appuyant aussi dessus de l'épaule, et fixant le musicien des yeux jusqu'à ce qu'il décide de terminer son morceau.