What a lovely way to burn... [R]

Dans la chaleur moite d’une petite salle de bains du troisième étage, dans laquelle produits de beauté en tout genre régnaient en maîtres, deux corps étaient enlacés dans la mini cabine de douche, le souffle encore coupé par la vague de jouissance qui les avaient pris de concert et les laissaient maintenant pantelants, un sourire béat accroché à leurs lèvres. Ce fut finalement le froid qui les poussa à sortir de leur « refuge » et encore mouillés de la douche qu’ils venaient de prendre il drapèrent leur nudité dans de soyeuses serviettes en éponge d’une couleur virginale.

Alors que la jeune femme essayait d’inspecter son reflet dans le miroir empli de buée, Enzo tentait de remettre la main sur ses vêtements, tâche peu aisée puisqu’ils étaient éparpillés comme à l’accoutumée un peu partout dans la salle de bain ainsi que dans la chambre et bien moins amusante que celle de s’occuper de la belle ballerine il fallait l’avouer…

L'apercevant, il s'approcha d'elle à pas de loup, se positionna juste derrière elle et vint se plaquer contre son corps. Il tendit le bras et du plat de la main chassa la buée sur le miroir, faisant ainsi apparaître leurs deux visages encore rosis par l’émotion. Un sourire taquin naquit alors sur son visage et il se pencha pour lui mordiller l’oreille, lui susurrant au passage quelques paroles d’une chanson américaine qu’il avait une fois entendue à la radio.

when you put your arms around me
I give you fever that's so hard to bare

D’une main, il dégagea la nuque de la jeune femme, et s’amusa à la picorer de légers petits baisers, mêlant ses gestes aux paroles qu’il continuait à lui dispenser d’une voix sensuelle et chargée d’érotisme.

you give me fever
when you kiss me
fever when you hold me tight
Fever
In the morning
Fever all through the night

Jamais elle n'en avait vécu de semblable et à ce qu'elle pouvait voir d'Enzo, ce devait être la même chose pour lui. Reprenant son souffle tant bien que mal, Beth haussa un regard fiévreux qu'elle plongea dans les yeux verts d'Enzo dans lesquels brillaient une lueur de satisfaction. S'étant à peu près tout deux remis de cet éclair fulgurant, elle laissa échapper dans un sourire malicieux une phrase qui arracha un sourire fier au jeune homme.

"Trois cent cinquante sur dix sur l'échelle de l'orgasme, tu t'es surpassé ce soir !"

Elle prit possession de ses lèvres une dernière fois avant qu'une envie subite d'éternuer la pousse à mettre fin au baiser. Se glissant hors de la douche dans la minuscule salle de bains, elle s'enroula dans une serviette qu'elle fixa de manière incertaine au-dessus de sa poitrine. Elle prit la brosse bon marché posée sur le lavabo et commença à se la passer dans ses cheveux mouillés qui gouttaient sur ses épaules en une pléiade de perles lumineuses. Lorsqu'elle reposa la brosse, deux bras vigoureux l'enlacèrent pendant qu'un corps athlétique venait laisser deviner ses contours sur sa chute de reins. Feignant de ne s'apercevoir de rien, la jeune femme récupéra sa petite culotte, restée dans le lavabo, et la fourra dans un panier de linge sale où elle rencontra par surprise un boxer appartenant à Enzo et qu'il essayait de lui faire laver gratuitement... Elle le sortit du panier, et se retournant face à lui, toujours dans ses bras et perdant sa serviette au passage, elle le lui mit dans une poche de son jean d'une main, rapprochant son visage du sien de l'autre jusqu'à ce que leurs lèvres se rencontrent dans un long baiser.

Enjambant la serviette restée à terre, elle se glissa hors de son étreinte pour aller dans sa chambre, plus précisément vers sa commode. Elle ouvrit le troisième tiroir partant du bas, et en sortit une petite culotte propre qu'elle enfila rapidement avant d'aller glisser sa main sous son oreiller pour en sortir ce qui lui servait de pyjama : un tee-shirt d'Enzo, siglé d'une pizza ornée du nom "Cipolla". Ce faisant, elle discutait gaiement avec le détenteur du vêtement.

"Du nouveau à propos de Lauren ?"

Depuis le dernier soir au restaurant, Beth n'avait pas une seule fois croisé Lauren. Les rares fois ou elle avait vu Andrew, ce furent des entrevues fugaces et il partait toujours à cause des cours particuliers qu'ils donnaient. Et d'après ce qu'Enzo lui avait rapporté, ses conversations avec Lauren était assez houleuses, ce qui chagrinait Beth, qui au fond, ne comprenait pas la raison de sa colère envers eux. Après tout, Andrew était ravi, même s'il n'avait pas de grandes raisons de l'être...

Quand la jeune femme lui fit face à nouveau, il posa sa main dans le creux de sereins, l’attirant gentiment à lui tandis qu’elle l’embrassait, stoppant ainsi son petit jeu de découverte musicale. Elle arriva si bien à détourner son attention qu’il n’eut à aucun moment conscience qu’elle glissait dans la poche arrière de son jean un caleçon qu’il avait essayé de faire passer en fraude.

Quand elle s’extirpa hors de son étreinte et se dirigea vers la chambre, il fixa un instant son reflet dans le miroir et passa sa main dans ses cheveux leur redonnant cet effet sorti du lit qui lui allait si bien. Jamais il ne se prenait la tête pour des questions de look et cela lui avait pourtant toujours très bien réussi.

Il avait encore peine à saisir ce dont la mini salle de bain avait été le théâtre. Beth avait le don de décupler sa fougue naturelle et ensemble ils exploraient des contrées malheureusement oubliées par bon nombre d’individus… Tout simplement waouh…

*fever…
when you kiss me
fever when you hold me tight…*

Il récupéra le reste de ses affaires qu’il enfila prestement, avant de rejoindre la jeune danseuse dans ses modestes appartements. Il haussa un sourcil en la voyant enfiler un t-shirt qu’il cherchait partout depuis des jours et fini par hausser les épaules. Il lui allait nettement mieux qu’à lui de toute façon, petite pensée qui fit naître un sourire sur les lèvres vermeilles de l’étudiant.

Sourire qui s’effaça aussitôt quand Beth se mit à mentionner Lauren. Depuis que la petite amie d’Andrew savait ce qui se passait entre lui et Beth, elle le traitait comme la dernière des ordures, chose qu’il ne comprenait absolument pas. Après tout il n’avait rien fait de mal ? Sinon Beth le lui aurait dit, il n’y avait pas de secrets entre-eux… Enfin il n’y avait plus de secrets…

« Je n’ai pas vraiment envie de parler d’elle… » fit-il en fronçant les sourcils et en se crispant.

Il détourna le visage de la jeune femme et enfila son vieux pull qu’il traînait depuis des années. Il n’avait pas assez d’argent pour s’en payer un neuf et se sentait trop bien dans ses vieilles affaires pour se décider à en acheter des nouvelles.

Dans la seconde qui suivit la question qui se voulait anodine de Beth, Enzo se renfrogna et demanda expressément que la discussion cesse. Après s'être mordillé un instant l'intérieur de la joue, Beth souffla un "Oh." amer, et fit un pas en direction d'Enzo qui ne semblait véritablement pas vouloir qu'elle s'approche plus. Annulant son action, elle contourna largement le fougueux italien et se dirigea vers son sac qu'elle avait abandonné sur une chaise depuis la fin des cours de la journée. La jeune femme en sortit ses classeurs et cahiers de musiques, puis son book de photos. Faisant ce mouvement, elle s'immobilisa soudain, une expression sur son visage indiquant qu'elle venait de se souvenir de quelque chose.

Beth se retourna vers Enzo, l'air interrogateur. Tenant son épais album de sa main droite, elle ouvrit la couverture avec son autre main et prit une photo déchirée en deux. Elle referma la couverture dans un claquement sonore, puis reposa le book sur la comode avant de s'approcher avec détermination du jeune homme.

"J'ai quelque chose qui doit sûrement t'intéresser..." fit-elle dans un ton dans lequel on pouvait percevoir un certain reproche.

Elle lui tendit les deux morceaux de la photo, clairement assemblés, et posa son regard ambré sur lui. C'était un cliché magnifique, en tous points, la lumière dorée, celle d'un soir d'automne, peinait à couler sur un couple, se tenant embrassé dans une étreinte passionnelle dans l'obscurité d'une ruelle. Les deux jeunes gens tenaient leur bouche plaquée l'une contre l'autre avec vigueur, et de ce boût de papier glacé se dégageait une sensualité difficile à capter sur pelliculle. Et ce prodige était peut-être dûs aux modèles. Alors que le visage de la jeune femme plaquée contre le mur était dans l'ombre, celui du personnage masculin était parfaitement identifiable...

"Je l'ai trouvée dans la poubelle de la chambre noire... Je peux savoir ce qu'on fait sur cette photo ?"

Haussant les sourcils et plantant son regard dans les yeux d'Enzo, Beth attendait une réponse un tant soit peu satisfaisante...

Enzo fut soulagé de voir que Beth n’insistait pas sur l’épineux sujet qu’était devenu Lauren et respectait son choix de ne pas vouloir parler de la jeune femme. De toute façon qui avait-il à dire ? Qu’elle l’avait traité comme le dernier des moins que rien et que pour elle il «était le pire des salauds ? Non… Nul besoin de remuer le couteau dans la plaie…

Il passa une main dans ses cheveux encore humides et les ébouriffa d’un geste quasi-automatique. Il était maintenant habillé et fin prêt à regagner ses appartements. Il lui restait encore deux trois trucs à voir pour les cours du lendemain et sa journée avait été tellement chargée qu’il n’en avait pas eu l’occasion jusque maintenant.

Il se retourna vers elle quand elle l’apostropha. L’avait-il vexée en mettant fin à la conversation ? Si tel était le cas c’était bien dommage mais il n’avait aucunement l’envie de se faire pardonner, pas même comme l’autre jour… Lauren était définitivement un sujet qu’il voulait éviter…

Il lui apparut cependant bien vite que Lauren n’était pas l’objet de ce qui préoccupait maintenant la jeune femme. Elle semblait avoir autre choses en tête et étant donné la mine qu’elle arborait, cela semblait plutôt important. Il la fixa sans bouger tandis qu’elle s’approchait de lui et se contenta de saisir d’une main ce qu’elle lui tendait.

Quand son regard émeraude se posa sur le cliché, son sang ne fit qu’un tour et il sentit une boule se former dans sa gorge. La photo ne représentait autre que lui, enlacé avec Beth dans une ruelle sombre. Il savait précisément quand elle avait été prise, l’autre jour quand ils… Enfin voilà quoi…

Relevant vivement la tête il croisa le regard interrogateur de la jeune femme et abaissa le sien de nouveau presque aussi vite sur la photo qu’il tenait à la main.

Non…

Son poing se crispa sur le papier glacé et il tourna le dos à Beth, se dirigeant vers la sortie. Il bégaya un bref " je t’expliquerais plus tard..." à son adresse par-dessus son épaule et sortie de la chambre, laissant là une jeune étudiante interloquée. Il se mit alors à courir dans les couloirs de l’école. Il savait parfaitement où il allait…

Zee…

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