Essere o non Essere ?

La voilà qui était assise, pour dire vrai, affalée, sur la chaise placée de la manière la plus négligente qu’il soit de la table adjacent l’une des nombreuses tables installées près des moulures du mur. Il était midi, et la cafétéria commençait sa première heure de pointe sur le campus de l’école d’art. Elle avait retiré ses ballerines, et ses pieds nus étaient soutenus par l’une des nombreuses parties supportant le plan de travail de la table. Ses jambes formaient presque un toit au niveau des genoux.

Ses cheveux étaient noués en une queue de cheval faîte du côté gauche de la tête de la jeune demoiselle. Notre écrivain en herbe sirotait le milk shake qu’elle avait pris au self. Face à elle, sa grande amie grignotait un encas, tout comme elle, avant le plat de résistance que Rosa prévoyait de s’offrir. Le matin même, elle s’était réveillée en retard, et n’avait eu guère le temps de prendre un petit déjeuner, aussi léger aurait-il put être ...

Elle tapa de son pied contre la matière soutenante, et elle s’écria presque ...

« Je ne suis pas d’accord ! »

Son caractère était étrange, et seuls ceux qui la connaissaient un tant soit peu, sauraient qu’elle énergétique, et un peu folle sur les bords. Elle porta une nouvelle fois la paille rouge à sa bouche, ramenant le goût de la fraise à ses papilles affamées. Elle regarda droit dans les yeux la jeune femme qui se trouvait face à elle ; ce regard si sérieux était pourtant ... comique. Elle frappa aussi énergétiquement sur la table, et si ce n’était pas Lauren, quiconque aurait crût qu’elle fut en colère pour une quelconque raison ...

« Les premières années ne sont que des chouchous de première classe ... Ce sont toujours eux qui ont le droit d’aller en bord de mer, France ... Inde ... »

Elle soupira, presque indignée et choquée de cette trahison de la part de l’école. Elle, elle n’avait pas eu cette chance, elle avait été malade le jour du départ, et n’avait pas put accompagné sa classe.

« Pourquoi pas à Hawaii ... »

[Reservé]

La jeune femme manqua d’un battement en entendant la réplique sèche de son amie. Elle la regardait presque étonnée de la voir réagir ainsi, sur sa voix qui portait un peu loin. Mais cette moue défaitiste s’éclipsa aussi vite qu’elle était venue. Elle avait l’habitude des répliques cinglantes sur sa manière de vivre, de se comporter ... ou même de parler.

Elle haussa lâchement les épaules, et elle aspira une nouvelle gorgée de son milk shake qu’elle trouvait particulièrement plus nourrissant aujourd’hui que les autres jours de déjeuner entres filles. Une mine boudeuse apparue, et elle repensa à la fois où sa mère était venue lui rendre visite et lui avait fait remarquer qu’elle aurait peut être dû faire du théâtre ...

« Tu aurais pu au moins me soutenir dans ma vendetta ... »

Puis, Lauren se mit à faire une chose que Rosa haïssait plus que tout, et qui était terriblement tentant pour elle, c’était à peine si elle narguait ... Essayant d’enfouir sa jalousie au plus profond d’elle, elle avalait et avalait son milk shake en plusieurs gorgées compulsives. Jusqu’à se qu’elle ne s’aperçoive qu’elle aspirait du vide depuis quelques secondes, après que son amie eut terminé des mots remplis de venin destiné à son amour-propre ...

« Hawaii ? »

Dit-elle en commençant à se lever, rechaussant ses petits pieds de satin. Elle s’éclipsa cinq minutes, et revint bien vite près de Lauren, avec cette fois-ci, avec un repas, composé d’une maigre part de taboulé, et d’une tranche charcutière. Charcuter, voilà ce qu’elle avait eu envie d’infligée à Lauren quelques minutes auparavant.

« Tu iras à Hawaii avec Andrew ... Moi je me réserve un pays froid ... très froid ... »

Elle ne termina pas sa phrase pleine d’idées malsaines, elle posa son plateau et reprit place, le tout couronner d’un petit sourire qui en disait bien plus long que ses pensées.

« Mais enfin, comme on dit, il faut battre le feu avec le feu, si Hawaii te plaît je te la laisse ! »

Elle commença à picorer dans son assiette, et elle lui demanda.

« Alors ? Comment se sont passés tes cours ce matin ? »

Toujours penchée sur sa salade de riz, Lauren écoutait son amie d’une oreille, elle était plongée dans ses pensées, pensées dans lesquelles deux corps nus étaient face à elle dans une position plus qu’éloquente. Elle n’arrivait pas à se défaire de cette image qui était devenue un vrai cauchemar pour elle. Rosa lui répondit après un silence, Lauren releva la tête, souriante.

« Je te soutiens dans tout ce que tu entreprends tu le sais bien ! Je suis de ton côté ne t’inquiète pas, c’est vrai que c’est moche ce qui t’es arrivé. »

L’ironie avait disparu au profit de paroles réconfortantes et amicales, la douce et compréhensive Lauren était toujours là pour apporter réconfort à ses amies, « oreille attentive et conseils immédiats » tel pourrait être son slogan, mais si seulement elle réussissait à se conseiller elle-même…
Son amie se leva pour aller remplir son plateau, et Lauren en profita pour vérifier si elle n’avait aucuns messages sur son portable : un de son frère. Elle referma le clapet violemment, déçue et posa le téléphone sur la table ne prenant même pas la peine de lire les imbécillités que son frère devait lui dire.

Rosa revint quelques minutes plutard avec un peu de taboulé et de la charcuterie. Sitôt assise, elle reprit la parole. Elle paraissait très motivée, encore plus moulin à parole que d’habitude, Lauren l’écouta attentivement, décidée de laisser de côté ses problèmes qui lui emplissaient la tête pour prendre un peu de bon temps.

« Hawaï avec Andrew…Très bonne idée : cocotier, sable fin, eau turquoise, romantisme assuré ! Mais pourquoi veux-tu aller dans un pays froid, tu n’es pas aussi désespérée que ça voyons ! Les pays froids c’est tellement triste… »

Lauren attrapa le pichet d’eau et remplit leurs deux verres alors que Rosa lui demandait comment c’était passé sa matinée de cours.

« Barbante, deux heures de solfège, j’ai cru mourir. Et toi ? As-tu eut la même chance que moi ? » lança t’elle tout en portant le verre d’eau à ses lèvres.

Rosa ne fut pas terriblement convaincue des propos de son amie. Elle la dévisagea un instant, suspicieuse, et elle se remit à mangé son plat, écoutant les paroles romantiques et les vacances de rêves qu’elle pourrait passé sous les cocotiers d’Hawaii, avec ; et éternellement ; Andrews.

« Tristes ? Tout dépend du point de vue très chère »

Rosa regardait attentivement l’eau qui s’écoulait avec fluidité et avec le plus de naturel dans le verre transparent qu’elle avait face à elle. L’eau était un des éléments les plus étranges, à dire vrai, elle ne savait pas comment cette chose si simple, sans goût et présente sur les trois quarts de la Terre pouvait bien être si essentielle et si indispensable à la survie humaine.

Puis, la jeune femme plaça sa fourchette contre ses lèvres pulpeuses. Telle un stylo qui se présentait comme une forme de sérieux chez les écrivains, Rosa commença à tapoter son index contre l’acier de l’objet chauffé par la chaleur corporelle qui émanait d’elle, où du moins, qu’elle créait. Elle envoya un regard approbateur à la jeune femme sur sa matinée fatigante, et elle lui dit en suite ...

« Ca n’a pas été plus glorieux que toi, on passer les trois quarts du cours à étudier, devrai-je plutôt dire réétudier, cette phrase que je haie tant : Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ... »

Puis, elle se remit à picorer l’assiette qui se vidait progressivement. Elle avait posé un temps de silence, pour commencer à réfléchir. Lauren n’était pas comme d’habitude, toujours occupée à suivre toutes ses idées saugrenues, et même si Lauren avait changée, Rosa soupçonnait qu’ un évènement de taille avait dû lui tomber dessus, en tant que colocataire de chambre, l’on remarquait toujours c’est choses là.

Prenant un regard maternel, et surtout protecteur, elle s’interrogeait encore sur la santé de son amie, Lauren était certaines fois bien plus qu’une simple et banale amie, elle devenait une confidente, ce qui caractérisait leur cas de ‘meilleures amies’ pour autant ? Elle n’en savait rien, mais elle savait juste qu’elle pouvait compter sur Lauren, et Lauren sur elle ... Sur un ton doux, elle lui demanda doucement ...

« Lauren, tout va bien ? »