Ce n'est pas ce que tu crois...[R]

Le calme était enfin revenu, après une après-midi des plus torrides dans la chambrée du quatrième niveau que le jeune Enzo partageait avec son ami depuis maintenant 4 ans, Andrew. Quelques rayons de soleil filtraient à travers les persiennes et enveloppaient les corps nus et enlacés d’une lueur orangée. Le lit, n’était plus qu’un vaste champ de bataille sans dessus dessous. Les couvertures étaient à terre et les coussins jonchaient le sol suite à ce corps à corps éffrené. Ca et là, un peu partout dans la pièce, on pouvait voir quelques vêtements qui avaient été enlevés dans la précipitation et laissés à l’abandon. Un t-shirt traînait au pied du lit, une culotte était accrochée à la poignée de la porte…

Enzo se tenait sur le côté, sa main soutenant sa tête, la jeune femme lovée contre lui. Elle avait enfoui son visage entre ses bras, et, allongée sur le ventre elle laissait le jeune italien dessiner des arabesques sur son dos du bout des doigts. Ce dernier, tout en s’amusant à faire naître des frissons sur la peau de la danseuse, lui racontait sa dernière mésaventure à la pizzeria, un sourire imprimé sur ses lèvres vermeilles et encore brûlantes des baisers qu’elles avaient insufflés.

« Je t’assure que ça n’a vraiment rien de drôle… » et pourtant en disant cela, son sourire s’élargit.

Voilà maintenant plusieurs semaines qu’il avait repris le boulot à la pizzeria et le pauvre se sentait victime d’harcèlement sexuel. Une vieille dame, qui aurait bien pu être sa grand-mère, ne manquait pas de venir au moins une fois par semaine dans le restaurant pour y dîner et chaque fois que le jeune homme avait le malheur de passer trop près d’elle, elle lui pinçait les fesses avec une dextérité surprenante pour son âge.

« Et le pire dans tout ça c’est que personne ne me croit… »

La seule fois où il en avait parler à son patron, il avait déclenché chez le restaurateur une crise de fou rire monumentale qui ne l’avait pas quitté de la journée et qui repartait chaque fois de plus belle dès qu’il croisait le regard de l’étudiant. Andrew et Lauren ne s’étaient pas non plus gênées pour se moquer gentiment de lui et avaient même baptisée la vielle dame « sa fiancée », chose qui les faisaient toujours hurler de rire. Le charme d’Enzo ne souffrait décidément aucune limite…

La canicule n'était plus un phénomène météorologique, mais semblait plutôt être une maladie qui avait atteint les gènes de deux personnes particulièrement. Cette après-midi encore, alors que leurs projets n'avaient été que de travailler ensemble sur un devoir de composition que Bee aurait dû rendre le lendemain, ils s'étaient détournés de leur optique première. Un seul regard leur avait suffit pour allumer rapidement ce qui deviendrait un brasier des plus brûlants... A peine avaient-ils refermés la porte de la chambre derrière eux qu'ils s'étaient jetés l'un sur l'autre, plaquant leurs lèvres rougeoyantes en des baisers torrides alors qu'ils enlevaient les quelques vêtements qu'ils portaient avec dextérité.

Allongée sur le lit une place aux draps défaits, la jeune femme somnolait presque sous les caresses que lui prodiguait Enzo, essayant tant bien que mal de rester éveillée pour l'écouter parler. Un sourire satisfait aux lèvres, elle pouvait sentir son corps contre le sien, encore palpitant des instants précédents...

Elle riait doucement de ce qu'il disait, se retournant sur le dos pour mieux le voir. Ce sacré Enzo souffrait de son charme auquel peu de femmes savaient résister, pas même les plus âgées...

"Si si, je te crois..." fit-elle avec un air faussement convaincu, bien qu'au fond, elle ne doutait pas un seul instant de ce que pouvait lui dire Enzo. "D'ailleurs je la comprends parfaitement... Tu es plutôt bien équipé de ce côté-là !"

Ce disant, son regard s'était teinté de malice et une ébauche de sourire venait relever le coin de ses lèvres dans une expression taquine. La jeune femme parcourait du regard le corps athlétique du bel italien, gourmande des sensations qu'il pouvait lui procurer. Maintenant qu'elle y avait goûté, elle ne savait si elle pourrait un jour s'en passer...

Le jeune homme continuait à dessiner des arabesques sur le dos de la jeune femme, expression fugace du désir qui il y a encore quelques minutes les envahissaient tous deux et les submergés avec force, leur faisant oublier toute raison, toute prudence, toute règle… Il releva la tête pour sonder du regard le désordre de la pièce tandis qu’elle se moquait gentiment de lui et un fin sourire étira ses lèvres au souvenir de la précipitation qui les avaient gagnés. Ils en avaient oublié ce fameux devoir pour lequel elle avait sollicité son aide. Les cahiers et livres avaient d’ailleurs subis le même sort que leurs vêtements, abandonnés tristement à leur sort. Il baissa à nouveau le regard vers elle et se pencha, lui mordillant tendrement l’épaule au passage, juste avant qu’elle ne se retourne pour lui faire face.

En entendant les propos de la jeune femme, il haussa un sourcil, un instant étonné. Puis un fin sourire se dessina sur ses lèvres et il releva la tête fièrement, gonflant ses pectoraux au passage dans une attitude proche d’un paon faisant la roue pour séduire sa belle.

« Je sais… »

La réaction de Beth ne se fit pas attendre, elle lui balança un direct du droit direct dans l’épaule mais même en y mettant toute sa force, elle ne lui fit pas bien mal. Le sourire du jeune homme s’élargit pour finir par devenir un éclat de rire et il s’extirpa avec peine du lit pour attraper un coussin tombé lors de la bataille. S’engagea alors une bataille épique entre les deux jeunes gens dont Enzo aurait eu sans peine le dessus si il n’avait pas autant ri et si il en avait vraiment eu l’intention.

Enzo avait parfois un égo surdimensionné, et Bee s'était fait une mission de toujours le remettre sur les rails dès qu'il commençait à gonfler un peu trop... Ce qu'elle fit en lui envoyant un violent coup de poing dans l'épaule. Lorsqu'il se leva, Beth fut prise d'un fou-rire pendant qu'elle essayait à son tour de se lever et de saisir un coussin pour se défendre.

Montée debout sur le lit, elle se débatait tant bien que mal, donnant des coups à tout va, les yeux fermés et frappant l'air aussi bien que la tête d'Enzo qui eut tôt fait de sa mutinerie. Finalement, il réussit à attraper la jeune femme et à l'immobiliser, l'entourant de ses bras dans une étreinte de laquelle elle ne pouvait se défaire. De déséquilibre, ils tombèrent tout deux sur le lit, Enzo allongé sur Beth dont le fou-rire se calma peu à peu alors qu'elle refermait ses bras sur le cou d'Enzo.

Ils jouaient souvent ensemble, à se battre et à se chercher sans arrêt, comme des gamins qui se complaisaient à se taper dessus dès que la plus petite occasion se présentait. Enzo et Beth n'avaient jamais été sérieux, et leur relation ne l'était pas plus ; de simples amis, voilà ce qu'ils étaient, bien que les apparences en ce moment puissent être trompeuses...

Où pouvait il être passé ? Cela faisait bien deux heures (Lauren a le don pour exagérer) que Lauren arpentait l’école à la recherche de son ténébreux petit-ami qui avait miraculeusement disparu en l’espace d’à peine trente secondes. Andrew était un vrai gamin qu’il fallait surveiller comme le lait sur le feu, et Lauren n’avait pas envie de se transformer en nounou surtout par ce temps radieux.

Le visage fermé, on pouvait sans difficulté deviner qu’elle était énervée, ou même plutôt très énervée. Elle avait finit son cours de dessin à 15h, Andrew l’avait attendu à l’extérieur de la salle et lui avait proposé une ballade en amoureux dans le parc suivit d’un pique-nique au clair de lune. Quel romantisme, avait-elle de suite songé, absolument ravie par cette journée idyllique qui pointait le bout de son nez, ils étaient partis main dans la main, le plus beau couple de l’école Botticelli avait encore de beaux jours devant lui…Sauf si Andrew commençait déjà à lui poser des lapins !

Elle l’avait fait patienter à peine une minute pour demander à une amie de lui prendre ses notes dans le prochain cours de la journée et en se retournant plus personne. Andrew avait disparu, il n’était pourtant qu’à quelques mètres d’elle 60 secondes plutôt. Elle avait fait quelques pas dans le hall pour avoir vue sur les différents couloirs, rien. Elle avait regardé au dehors, rien, dans les salles de cours, rien. Elle avait même essayé de lui téléphoner et était tomber sur le répondeur. Qu’y avait-il donc de plus important que leur journée en amoureux ?

Elle se dirigeait à présent d’un pas rapide et décidé en direction de la chambre de ce petit-ami lâcheur, il était nulle part ailleurs et les quelques étudiants à l’entrée de l’école ne l’avaient pas vu sortir (peut être parce qu’ils étaient trop occupés à reluquer toutes les demoiselles qui passaient dans un rayon de 2 mètres mais cette idée n’effleura même pas Lauren). Elle arriva enfin au 4° étage, la porte en chêne était à portée de vue, quelques secondes plutard elle était à portée de main. Sans frapper elle déboula dans la chambre telle une furie, que risquait-elle si il n’y avait pas Andrew ? Trouver Enzo peut-être, mais il avait pris l’habitude de ses entrées fracassantes… Et en y réfléchissant, c’était bien la seule personne qu’elle pensait y trouver…

« Bon sang mais à quoi tu j… Oh Seigneur!!!! »

Lauren venait à peine de pénétrer dans la chambre qu’elle se retournait en se mettant une main en visière devant les yeux. Andrew n’était pas là, mais Enzo si… Nu comme un ver, en compagnie de Beth, elle même entièrement nue également. L’un sur l’autre, ils paraissaient aussi étonnés qu’elle. Lauren n’aurait jamais pu imaginé une situation plus choquante et plus honteuse. La bouche bée, elle ne savait pas quoi faire et restait là plantée comme un piquet.

« Oh Seigneur…Oh Seigneur…Oh Seigneur… » murmurait-elle en fixant le sol. « Je…je…je cherchais Andrew… Je…je crois qu’il n’est pas là… »

Evidemment qu’il n’était pas là, pensa t’elle une fois qu’elle eut sorti cette ânerie. Beth et Enzo… Ensemble ? Mais c’était les deux meilleurs amis du monde ! Et Enzo était…enfin…C’était prouvé qu’Enzo était un célibattant !

Il y eut un moment au cours de la bataille où Enzo cessa de lutter et observa la jeune femme avec amusement. Elle gardait les yeux obstinément fermés et agitait les bras en tout sens avec pour seule arme un coussin raplapla, manquant la plupart du temps sa cible. Mais elle semblait s’en contrefiche, plus occupée à réfréner le fou-rire qui menaçait de la submergée que de vraiment livrer bataille.

Il finit par la saisir à la taille, l’entourant de ses bras musclés et ils tombèrent de concert sur le lit, qui n’avait plus rien d’un havre de paix, secoués par le rire. Avec douceur, il dégagea la mèche de cheveux chocolats qui avait glissé sur son visage avant de la regarder avec malice. Encore une fois c’était lui qui avait eu le dessus à leur petit jeu. D’ailleurs, les seules fois où elle avait pu prétendre gagner la bataille, c’était Enzo qui lui avait gentiment accordé la victoire.

Lentement, il tenta de reprendre son souffle, mais déjà la chaleur de sa peau contre la sienne et son parfum vinrent brouiller les quelques parcelles de bon sens qui lui restaient en ce milieu d’après-midi. Il se pencha et fit pleuvoir une myriade de baiser au creux de son cou avant de gentiment venir mordiller le lobe de son oreille comme il l’avait fait plus tôt de son épaule. Il n’aurait pas pris autant de plaisir à croquer dans un carré de chocolat.

Ce fut cet instant précis que choisi la tornade Lauren pour s’abattre dans la chambre. Surpris dans le plus simple appareil, en charmante compagnie qui plus est, le jeune homme se sentit rougir. Il tenta tant bien que mal d’attraper une couverture pour s’en draper, et en saisit une autre pour couvrir le corps de Beth.

« Lo c’est… »

Il se tourna ensuite vers Lauren et fit un pas hors du lit, tentant d’expliquer à la perle asiatique que la situation n’était pas ce qu’elle semblait être avec de grands gestes. Il s’empêtra dans la couverte et faillit se retrouver à nouveau tel qu’il avait été dessiné par dieu devant les yeux horrifiés ou ébahis de la petite amie de son meilleur ami. Il rattrapa le drap avec justesse et confus se tourna vers Beth à la recherche d’un peu d’aide.

Sentant avec délectation que la situation déviait encore, Bee ferma les yeux et se laissa transporter par les baisers d'Enzo, qu'il déposait avec dextérité dans des endroits qui, il avait appris à le savoir, la faisait immédiatement brûler. Ramenant le visage du jeune homme vers le sien, elle prit possession de ses lèvres dans un baiser que l'on pouvait véritablement qualifier... d'aphrodisiaque.

Mais un coup de vent imprévu les interrompit, et ce coup de vent avait pour nom Lauren, une très très très bonne amie de Beth qui n'aurait pas dû se trouver dans la chambre.

*Note pour moi-même : penser à fermer la porte à clé*

Se couvrant rapidement du drap que lui tendait Enzo, elle resta un moment pétrifiée, regardant le jeune homme qui essayait tant bien que mal de donner une contre-explication à une situation dont tous les aspects donnaient raison aux apparences. Se râclant la gorge, ne sachant que dire, elle regarda Lauren avec un air superbement gêné et surtout, montrant qu'elle n'avait aucune explication valable à donner.

"Euh... Ne raconte à personne ce que tu viens de voir ?" fut la seule chose que Bee put prononcer, ajoutant une interrogation à la fin de sa phrase montrant à quel point elle était déstabilisée.

Beth se leva du lit, ne sachant trop ce qu'elle devait faire. Elle était persuadée que si elle faisait un pas de plus, Lauren s'enfuirait en courant devant le spectacle terrifiant qu'ils lui montraient. Elle lança un regard à Enzo qui signifiait bien qu'il était inutile de justifier quoi que ce soir, et que, de toutes évidences, personne ne les croirait. Leur seul espoir était que Lauren garde ça pour elle, et qu'éventuellement, elle arrive à dormir sans trop cauchemarder cette nuit...

Lauren hasarda un regard vers le couple en tenue d’Eve qui essayait désespérément de cacher le plus possible. Elle regarda les visages pétrifiés, elle avait bien vue, ces yeux ne lui avaient jouer aucun tour, c’était bien Enzo en compagnie de Beth. Enzo essaya de lui expliquer la situation en faisant de grands gestes avec son bras droit (le gauche tentant de garder en place le drap autour de sa taille). Quand elle crut qu’ils étaient enfin visible ou du moins plus visibles qu’ils ne l’étaient auparavant elle enleva sa main de devant ses yeux et se retourna vers Enzo, celui-ci choisit ce moment pour trébucher, la drap descendit de quelques centimètres découvrant la racine des poils pubiens du jeune homme, Lauren sursauta en émettant un petit cri strident et se retourna une nouvelle fois à la hâte remettant sa main en place devant ses yeux.

« Oh seigneur… Oh seigneur…Oh seigneur… » recommença t’elle à psalmodier.

La voix de Beth s’éleva dans la pièce où une certaine gêne était palpable. Lauren se retourna pour regarder son amie dans les yeux, elle paraissait pétrifiée, honteuse, gênée de s’être faite prendre sur le vif aussi facilement. Elle lui demandant avec un regard suppliant de ne pas dire un seul mot de ce qu’elle avait surpris dans la pièce. Ses deux amis étaient côte à côte la regardant comme deux chiens battus. Aussi choquée et énervée qu’elle fût Lauren ne put s’empêcher de faire un signe d’approbation de la tête, leur promettant de ne rien dire.

Ne pouvant pas ajouter le moindre mot elle se retourna vers la porte et remarqua une petite culotte pendouillant à la poignée, elle ferma les yeux à cette vision et ressortit dans l’espace entrouvert qu’il restait. Une fois dehors elle claqua la porte. Lauren resta quelques instants interdite dans le couloir, elle se sentait affreusement mal, et ce n’était pas simplement parce qu’elle avait surpris des personnes complètement nues sur un lit s’adonnant à quelques pratiques que chaque couple faisaient. Non, là c’était différent, peut-être parce que c’était SES amis…

Elle redescendit dans le hall troublée, là elle tomba sur un Andrew munit d'un remarquable bouquet de roses.

La réaction de Lauren ne se fit pas attendre et dans d’autres circonstances il aurait pu en rire mais le moment n’était certainement pas à la rigolade, d’autant plus qu’elle semblait complètement choquée et bouleversée par la scène qu’elle venait d’interrompre. Il se mordit la lèvre en entendant la demande de Beth et se tourna vers la brunette en guettant un signe d’approbation de sa part. L’arrangement qui nouait les deux étudiants les regardaient exclusivement.

Une vague de soulagement l’envahi quand elle hocha finalement la tête et sorti de la pièce, non sans tomber sur un dernier obstacle dont il se serait finalement bien passé. Confus, il se tourna vers Beth qui s’était de nouveau laissée tombée sur le petit lit.

Il baissa la tête et fixa un instant le bout de ses orteils, gêné et honteux, comme un gamin pris en faute et que l’on venait de disputer. Il fut réellement pris de vagues remords l’espace d’un instant. Peut-être tout ceci n’était-il qu’une immense erreur et peut-être devrait-ils stopper ce petit jeu avant qu’il ne soit trop tard…

Vraiment ?

Il releva la tête et une moue coquine vint effleurer ses traits de statue grecque.

« Où est-ce qu’on en était ? »

En prononçant ces quelques mots il se rapprocha dangereusement du lit, son regard émeraude fixé sur la jeune femme tel un animal à l’affût, guettant sa proie et le moment idéal pour lui sauter dessus et planter ses crocs dans sa chair tendre. Il avait faim… D’elle…

Être surpris n'avait pas fait partie de leurs prévisions, ni même de leurs considérations. A vrai dire, ils n'avaient même pas envisagé l'option. Pourtant, Beth ne pouvait s'empêcher de penser que la réaction de Lauren était en tous points démesurée, enfin, elle n'avait fait que les voir nus, ce n'était pas comme s'ils étaient réellement en train de... Quoiqu'ils en fussent proches en cet instant. Un instant pantoise, Beth retourna s'assoir sur le lit, lâchant son drap qui glissa naturellement vers le sol, là où il était quelques secondes auparavant. Sans lever un oeil sur Enzo, elle le savait immobile, les bras pantelants et la bouche-bée, légèrement choqué par l'irruption de Lauren. La jeune femme se pencha pour attraper un cahier de musique par terre et un stylo, puis se posta, bien droite sur le bord du lit et feuilleta les pages du recueil jusqu'à l'endroit où il s'étaient arrêtés.

Un froissement de tissu lui indiqua qu'Enzo avait repris ses esprits, mais elle ne porta pas un regard sur lui, fronçant légèrement les sourcils devant la portée qui lui posait problème. Elle n'avait eu aucun problème avec les premières notes, mais une fois qu'elle les avait écrites, elle bloquait sur la suite. Seules des mélodies connues lui venait en tête, extraits de Chopin, Mozart ou Bartok, mais rien ne véritablement original. Portant le stylo à sa bouche, elle le suceota un moment, lorsqu'Enzo l'interrompit. Avec un sourire malicieux, elle se tourna vers lui et lui répondit le plus simplement du monde :

"Mesure huit."

Mordillant maintenant le capuchon du stylo, elle se remit face à son cahier, glissant une mèche de cheveux derrière son oreille et se pencha avec attention sur sa composition. Enzo était un bon musicien, même si ce n'était que son cours secondaire, et il avait une certaine facilité à aligner quelques notes pour en faire une mélodie imparable. Beth était une merveilleuse instrumentiste, jouant avec brio au piano, au violon, à la flûte traversière ou encore à la harpe, mais elle n'avait pas le génie musical, celui qui aurait pu faire d'elle une compositrice de talent. D'ailleurs, elle poussa un long soupir de désespoir.

« Ah oui mesure huit… »

Il se laissa tomber sur le lit et rampa jusqu’à la jeune femme, se plaçant juste derrière elle pour jeter un coup d’œil sur ses notes. Elle avait la fâcheuse manie de déprécier son talent, pourtant elle se débrouillait réellement bien, même si il était évident qu’elle prenait plus de plaisir à jouer d’un instrument qu’à composer de la musique.

« Ok voyons voir ça… »

Il avait repris une attitude studieuse comme au début de l’après midi avant que la situation ne leur échappe. Il examina avec attention les quelques notes déjà posées, essayant de se représenter mentalement ce que ça pouvait donner sans y parvenir.

« Attends »

Il bondit donc hors du lit, déposant au passage un baiser dans le cou de la jeune femme et arpenta la chambre visiblement à la recherche de quelque chose qu’il finit par trouver. Il revint auprès de la jeune femme, guitare en main et se mit à jouer les quelques notes, tout en cherchant comment continuer. Il essaya différents accords, sans réellement parvenir à quelque chose de satisfaisant.

« Peut-être que si on jouait sur le rythme… » il coula un regard vers Beth.

« Quelque chose de plus entraînant, de plus vif… »

La encore il fit quelques essais, guettant les réactions de l’étudiante à chaque fois et essayant de trouver le meilleur arrangement possible. Ses doigts couraient sur les cordes de l’instrument sans qu’il ai réellement besoin de regarder ce qu’il faisait. Il avait la musique dans le sang, c’était presque une seconde nature chez lui et il fonctionnait par instinct.

Enzo était tellement enthousiaste dès qu'il avait sa guitare dans les mains que Beth n'avais pas le coeur à l'arrêter. Cela faisait déjà longtemps qu'elle avait renoncé à se faire compositrice, et elle préférait largement jouer du Brahms sur son violon plutôt qu'essayer de plancher sur un devoir dont elle savait qu'elle n'obtiendrait pas beaucoup plus que la moyenne, quoi qu'elle fasse.

Cela faisait maintenant cinq longues minutes qu'Enzo jouait en boucle ses premiers accords, essayant d'en ajouter d'autres à leur suite mais il n'arrivait à rien. Alors que Bee était déjà désespérée, lui ne perdait pas espoir et continuait à lui soumettre des idées pour améliorer sa composition qui ne tenait pour l'instant qu'en huit maigres mesures en 2/2, soit seize petits temps idiots qui, qu'ils soient en Adagio, Andante, Allegretto ou Vivace ne donneraient rien de mieux.

La jeune femme tomba son arrière, abandonnant son cahier sur le bord du lit d'où il ne tarda pas de tomber. Son visage, ainsi entouré par une auréole de cheveux brillants sous les rayons du soleil de Septembre, paraissait encore plus angélique, malgré les pétillements de malice qui venait troubler son regard noisette. A contre-jour elle pouvait voir se dessiner le dos d'Enzo, le relief de sa musculature, l'ombre de sa guitare entre ses doigts et sous ses cheveux ébouriffés, deux yeux verts brillants et restituant la lumière du jour avec un éclat tout particulier. Roulant sur le côté pour s'approcher de lui, elle étira son bras pour que le bout de ses doigts vienne frôler les reins du musicien. Elle se redressa ensuite, se mettant à genoux derrière lui et vint poser sa main gauche sur ses yeux pendant que sa main droite courait le long de son buste vers la guitare qu'elle écarta avec douceur.

Finalement, la musique n'était pas une occupation des plus captivantes...